Revirements de jurisprudence
En principe, en droit français, tout changement de jurisprudence a un caractère rétroactif, car la jurisprudence est censée refléter un état du droit qui a toujours existé et être simplement récognitive : les nouvelles interprétations et règles jurisprudentielles s’appliquent donc normalement à tous les litiges, même nés avant qu’elles aient été dégagéespar le juge. Cependant, la Cour de cassation et le Conseil d’État, à la suite de la CJCE et d'autres cours suprêmes étrangères, se sont interrogés sur les modulations à apporter à ce principe.
Un rapport sur les revirements de jurisprudence a ainsi été préparé en 2004 à la demande du premier président de la Cour de cassation et a eu depuis lors de nombreux échos [22].
La Cour de cassation arécemment mis en oeuvre la notion de revirement de jurisprudence pour l'avenir dans l'arrêt n° 547 du 21 décembre 2006, N° 00-20493 [23]. Il s'agissait d'éviter qu'un justiciable soit privé d'accès au juge et donc d'un procès équitable, au sens de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme (après un revirement de jurisprudence et un arrêt n° 387 du 8 juillet 2004, N° 01-10426 de la2e chambre civile).
De même, depuis sa décision du 16 juillet 2007 [24], le Conseil d'État se reconnaît explicitement la possibilité de limiter l’effet rétroactif d’un important changement de jurisprudence. Sans revenir de façon générale sur le principe de l’application à tous les litiges d’une nouvelle jurisprudence, le Conseil d’État estime toutefois qu’il peut être nécessaire d’y dérogerlorsque le changement de jurisprudence concerne l’existence et les modalités d’exercice des recours juridictionnels eux-mêmes. D’une part, en effet, un changement de jurisprudence ne doit pas porter rétroactivement atteinte au droit fondamental qu’est le droit au recours ; d’autre part, et à l’inverse, il ne doit pas se faire au détriment de la sécurité juridique, par exemple par une atteinte excessiveaux relations contractuelles en cours.
Par ailleurs, les juges suprêmes disposent depuis longtemps de certaines techniques pour éviter des revirements de jurisprudence trop violents. Ils peuvent ainsi laisser entendre qu'une question est à l'étude (rapports divers) ou laisser apparaître des signes précurseurs d'une évolution jurisprudentielle (rédaction de certains attendus ou obiter dicta parexemple). Ils peuvent aussi effectuer certains revirements ou évolutions importantes de la jurisprudence lors d'arrêts de rejet.
Mais s'il y a évolution de la jurisprudence et parfois revirement, c'est parce qu'a priori la nouvelle jurisprudence est meilleure que la précédente, plus adaptée aux circonstances de fait et de droit de l'époque. On ne peut éviter ces évolutions, sauf à tomber dans undroit figé et inadapté.
Cour de cassation
Assemblée plénière
Audience publique du jeudi 21 décembre 2006
N° de pourvoi: 00-20493
Publié au bulletin Rejet
M. Canivet (premier président), président
M. Lacabarats, conseiller rapporteur
M. Legoux, avocat général
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Tiffreau, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DECASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 avril 2000), que le journal Le Provençal a publié le 14 février 1996 un article intitulé "ils maltraitaient leur bébé - Digne : le couple tortionnaire écroué" ; que, s'estimant mise en cause par cet article dans des conditions attentatoires à la présomption d'innocence, Mme X... aassigné la société éditrice du journal et le directeur de la publication en réparation de son préjudice devant un tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société La Provence et le directeur de la publication du journal font grief à l'arrêt d'avoir écarté le moyen tiré de la prescription de l'action, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 65-1 de la loi...
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